Monsieur,

Je suis membre des Urban Sketchers et c'est comme ça que j'ai entendu parlé d'Adresses fantômes que j'ai aussitôt fait venir (via Amazon).
Aussitôt reçu, je l'ai lu d'un couvert à l'autre, sans manger ni boire (ou presque!)

Juste un petit mot pour vous dire quel pur délice fut cette lecture de votre ouvrage.
J'ai également visité brièvement (faute de temps) votre site, qui me promet encore des heures de lecture à venir.

Vous serez sans doute étonné d'apprendre que, bien qu'ayant beaucoup voyagé, je n'ai jamais mis les pieds à Paris. Et pourtant cet ouvrage fut d'un immense intérêt pour moi. Le dessin bien sûr. Ce que j'apprends des peintres et photographes que je connaissais déjà. Mais c'est surtout votre démarche qui m'a enchantée. Cette quête à rebours des lieux, et de la mémoire, de leurs passages dans cette ville et d'autres lieux. Ce récit de ce qui subsiste de leur passage. Votre posture aussi dans tout ça.

Je vous envie puisqu'une telle démarche serait impossible dans une ville nord-américaine (j'habite Montréal) puisque les appartements y ont été pendant longtemps majoritairement locatifs (être propriétaire d'un logis est un phénomène récent, 20-25 ans tout au plus) et donc, les logements changent de main constamment. Il ne sont pas habités par une même famille de génération en génération. On ne peut pas retourner quelque part et qu'il y subsiste des témoins du passé, sinon les murs eux-mêmes. Notre "bougeotte", la mobilité des Nord-américains est telle qu'elle efface nos traces. Ce Paris que vous nous rendez est un monde fascinant, tissu riche de mémoires. Mais qui montre aussi très bien le travail du "développement urbain". Votre travail, à son tour, jette un nouvel éclairage pour moi sur le travail des personnes qui font l'objet de vos recherches. Je les redécouvre dans une dimension autre, plus à une "échelle humaine". Et c'est essentiel dans bien des oeuvres. Sinon on passe à côté de quelque chose. Chez Atget entre autre.

J'ai entrepris - de façon très très modeste - une série de dessins d'un quartier de Montréal lui aussi en pleine mutation, le vieux Rosemont. La transformation à la fois de la population et du développement immobilier dans ce que ça a de plus brutal. Transformation à la vitesse grand V puisqu'il s'agit d'un quartier "centre" de Montréal, une île où il restait peu de lieux à construire. Je dessine des petites usines qui sont appelées à disparaître au profit de tours d'habitation. Des églises que peu de gens fréquentent, mais dont l'architecture est remarquable. Des parcs. Etc. Je pourrais les prendre en photo, mais je veux cette subjectivité du dessin. Elle est pertinente à mon propos. Je ne sais pas si un jour j'en aurai assez, et si leur qualité sera assez bonne, pour les regrouper et les présenter. Mais j'adore ce travail, autant motivé, par le caractère ludique et méditatif du dessin que par un devoir de mémoire.

Merci beaucoup d'avoir publié vos croquis et leurs notes. Merci de nous prendre par la main, ou le regard, et de nous faire vivre, par procuration, ces quêtes quotidiennes qui ont été et sont les vôtres, et qui sont d'un intérêt qui va bien au-delà de Paris comme vous pouvez le voir.

Au plaisir de vous lire encore,

Suzanne Lafontaine
Montréal, Québec